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ITAF PRODUCTION animation movie
9 juin 2020

Grazia De Stefani Buzzelli

Buzzelli aimait les chevaux, le dessin et le jazz. Il aimait raconter des histoires et les illustrer. Il avait commencé à 18 ans, en publiant une histoire à la saveur médiévale, “Le moine noir”, que l’éditeur Guasta avait beaucoup appréciée, mais la collection “Argento Vivo” fut interrompue immédiatement après. C’était l’après-guerre et il n’y avait pas d’illusions à se faire. Ils manquaient le papier et l’argent nécessaires pour faire vivre un journal. Pour Guido celle-ci avait été une déception très forte. Ainsi, une sombre période très longue avait commencé, caractérisée par de menus travaux très mal payés pour de petits éditeurs Mais cela lui permit d’affner les techniques pour devenir, un jour, un dessinateur, un illustrateur et un peintre excellent. Quand l’occasion se présenta, beaucoup d’années après, ce fut le premier en Italie: il devint alors un “Auteur”. Il ressentait un grand désir, une urgence folle de raconter. Il travailla frénétiquement, et il réussit à exprimer le mieux de soi-même. Le public français l’aima et ft de lui une vedette. La critique italienne ne se trouva pas toujours d’accord. Ce qui gênait c’était surtout son insistance sur le malaise existentiel de l’individu dans une société malade, corrompue, intéressée seulement au pouvoir, incapable de faire face aux besoins de l’homme. Il leur semblait que sa prétention de mettre le lecteur devant certains problèmes moyennant des images dures, violentes, était excessif. Mieux aurait valu s’il avait utilisé son talent pour écrire et dessiner des histoires avec des personnages gagnants, des héros. Guido, par contre, utilisait son image comme un antihéros, en assumant sur soi tous les vices et toutes les faiblesses. Dans son tourment intérieur, il élaborait des histoires fantastiques qui pouvaient alors susciter des cauchemars.

monstress

Pour Buzzelli les bandes dessinées étaient comme “un théâtre en papier et encre, de poche et de bibliothèque, où les acteurs restent immobiles et attendent que quelqu’un feuillette les pages pour les rendre vivants”. Sa mission d’artiste a été celle d’animer les images tracées sur le papier blanc, en représentant des personnages qui, tels que des êtres vivants, expriment toutes les émotions humaines. Dans sa littérature dessinée, comme l’a affrmé Silvano Mezzavilla, «il mit non seulement son considérable bagage technique au service du récit en images, mais il descendit aussi dans les profondeurs de la matière à raconter, en sondant les abymes de l’inconscient jusqu’à atteindre ces lieux de l’âme qu’aucun auteur de bandes dessinées n’avait décrits avant lui». Les thèmes exprimés dans ses récits fantastiques sont hors du temps et donc toujours actuels, malgré qu’ils datent de cinquante ans. Le monde qui y est représenté est malheureusement très réaliste, tout en étant le fruit de la fantaisie; la vie est sans compromis, il n’y a pas de demi-mesures, les héros ne gagnent pas, les “méchants” ne sont pas vaincus, et, comme on l’a vu, les révoltes sont réprimées, même si elles sont animées par des idéaux nobles et justes. Par ses traits incisifs et bien vivants, l’auteur prend pour cible les interférences que les mass médias exercent dans nos vies à travers leur pouvoir de persuasion. Il ne craint pas de remettre en discussion le rôle d’une certaine science qui agit à la limite de l’éthique. Les protagonistes de ses bandes dessinées prennent presque toujours ses traites ils sont exactement le contraire du stéréotype du héros. Avec une intelligence profonde, l’auteur ne reste pas en dehors de la mêlée; les doutes sont aussi les siens, l’inadéquation des capacités humaines qu’il représente dans ses dessins appartient à toutes les personnes, mais principalement à lui-même. Le monde imaginaire des monstres qui, d’après Georges Wolinski, peuplaient les cauchemars de l’auteur hanté par la peur de se réveiller et d’avoir changé d’aspect, c’est le même qu’on voit représenté dans ses dessins. Ainsi qu’un moderne Docteur Jekyll, Buzzelli dessinait ces sujets comme des antidotes pour avoir la certitude d’être, à chaque réveil, de nouveau soimême. Une situation celle-ci qui nous renvoie d’instinct au personnage des “Métamorphoses” de Kafka. Les frêles protagonistes, qui sont ses propres sosies, qui peuplent ses illustrations, semblent naître des cauchemars dans lesquels des transformations monstrueuses prennent corps. Entourés d’êtres mi-hommes et mibêtes, d’animaux qui sont la somme de deux et de toutes sortes de créatures monstrueuses imaginables, les personnages de ses histoires et l’auteur aussi, sont condamnés à un calvaire semblable à celui du protagoniste kafkaïen Gregor Samsa. Dans ses bandes dessinées un profond pessimisme prévaut et les angoisses cachées remontent à la surface. Il n’offre pas aux lecteurs l’espoir d’un dénouement heureux et il ne trompe personne sur l’espérance que le monde pourra être meilleur; ses romans graphiques ne soulagent pas et surtout ne donnent pas de réponses. Son art, au contraire, soit sous forme de BD de maître, soit sous forme de peinture, soulève des questions. Dans les pages de “L’intervista”, l’énième histoire où Buzzelli se dessine en tant que protagoniste, l’auteur se confesse dans une sorte d’interrogatoire auquel trois personnages, voyezvous, mystérieux, le soumettent. Dans ce texte, on peut apercevoir pour la première fois une chaloupe de sauvetage dans la dérive humaine quotidienne que le dessinateur romain a représenté jusqu’alors dans ses œuvres. L’auteur se propose, en effet, de sortir de l’inquiétude profonde, d’abandonner la pensée typique de Buzzelli, de trouver pour un instant la paix des cauchemars, en faisant affrmer à son alter ego:

monstress22

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